Vous avez produit un rapport accablant au sujet de la fusion absorption de la SNLS par la SNI. Ancien directeur général de la SNLS pourquoi affirmez-vous que c’est l’entreprise dont vous avez la gestion qui aurait dû absorber la SNI ?
De 1976 à 2013, la construction des logements publics de l’État était le monopole de la Société Nationale Immobilière. En 2013, en vue d’accélérer l’accès au logement social, le Gouvernement a créé la Société Nationale du Logement Social (SNLS). Ces deux sociétés ont été mal gérées tant le plan politique que leur gestion quotidienne. Elles n’ont pas été en mesure de réaliser les missions des programmes de constructions de logements publics. Pour tenter de redresser la barre, le Gouvernement a décidé le 16 novembre 2016 de la fusion absorption de la SNLS par la SNI. Cette décision au lieu de résoudre les problèmes observés dans la gestion de ces sociétés a plutôt consacré la faillite du Programme de constructions publiques de logement du Président Ali BONGO ONDIMBA. En réalité, une décision différente aurait été en mesure de corriger les tares constatées dans la gestion de ces sociétés pour parachever les constructions des chantiers en arrêt et initier de nouveaux programmes immobiliers. La SNLS était déjà engagée dans cette voie avant cette décision de fusion absorption regrettable. En effet, les données de l’étude du processus de fusion absorption de la SNLS par la SNI montrent qu’en octobre 2017 la SNLS affichait une dette intérieure d’un montant de 50 milliards constitutive des créances frauduleuses. La trésorerie était également défaillante. Si bien que lors de la prise de fonction du nouveau Directeur Général Joël Patient MBIAMANY N’TCHORERET, les mesures de gestion rigoureuse mises en œuvre ont ramené la dette de la SNLS à DEUX MILLIARDS SIX CENT MILLIONS DE FRANCS CFA et des créances à recouvrer à hauteur de 16 Milliards de francs CFA. De plus, ces mesures ont favorisé la signature d’accords d’environ 74 Milliards de francs CFA avec la CDC, ORABANK, ECOBANK et HENAN GOUDJI pour accompagner la SNLS dans la réalisation de ses projets immobiliers. Le défi de trésorerie à court terme fut aussi relevé par l’obtention d’un encours de 400 millions de francs CFA accordé par ORABANK. La SNLS était en mesure de redémarrer, d’achever les travaux de construction des logements sociaux en arrêt et initier de nouveaux projets. Vous trouverez jointes les documents relatifs à ces engagements financiers. En revanche, la situation économique et financière de la SNI était préoccupante. Son parc immobilier de location-vente arrivait à échéance en décembre 2019. Elle risquait de se retrouver sans source de fonctionnement. Pour se maintenir, cette société devait renouveler son parc immobilier de location-vente et accroitre son offre de logement afin de donner suite à la promesse du Chef de l’État d’un quota de 5000 logements par an. Supportée par la caution de l’État, la SNI a contracté auprès de BGFI BANK un emprunt de 100 Milliards et un autre emprunt de 40 Milliards auprès de la BICIG et UGB au titre du projet 3808 logements. Par effet de mauvaise gouvernance, ces ressources financières ont été dilapidées. Plongée dans une crise de trésorerie, la SNI s’est trouvée dans l’incapacité de payer les entreprises adjudicataires qui avaient arrêté les travaux. La réalisation de la totalité des projets est un fiasco. Le parc de location-vente n’est pas renouvelé. La SNI se retrouve dans une incapacité fonctionnelle à court terme et dans l’impossibilité de rembourser ses créanciers. A travers les diligences judiciaires, ses créanciers bloquent ses comptes et quelques biens. L’État, cautionnaire des emprunts de la SNI est appelé à s’acquitter des dettes de la SNI pour un total de 124 Milliards de francs CFA. « Suite au remboursement des prêts consentis à la SNI, les subventions annuelles que cette société devait recevoir de l’État pour les 20 prochaines années y ont été englouties». Le défaut de subvention de l’État et la carence de marges d’autofinancement plongent la SNI dans une défaillance financière. Elle n’est plus en mesure d’achever les travaux des logements en chantiers et initier de nouveaux projets immobiliers et son organisation et son fonctionnement sont menacés. Cette société est alors à la porte de la banqueroute qui convoque l’intervention de l’État pour sauver la SNI. Seulement, l’État connaissait de grandes difficultés financières. Inapte à venir à la rescousse de la SNI, le Gouvernement décide de la fusion absorption de la SNLS par la SNI comme solution palliative. La fusion absorption de la SNLS ne répondait pas à des impératifs pour la réussite des programmes publics de la construction des logements mais essentiellement pour sauver la SNI de la banqueroute. Bien que l’actif hérité du patrimoine de la SNLS permette de soutenir le fonctionnement de la SNI, cet héritage est insuffisant pour l’achèvement de l’ensemble des chantiers de construction en arrêt. La défaillance de la SNI est-elle qu’elle ne peut être relevée par l’absorption de la SNLS sans l’élaboration d’un projet réinventant son modèle d’affaire. En effet, les défis de la SNI ne sont pas que financiers. Son modèle d’affaires est inadapté. Le défaut d’une vision de développement stratégique et les égarements dans sa gouvernance pèsent dans son organisation et favorisent son dysfonctionnement. Si le Gouvernement s’était appesanti sur la nécessite de la relance des chantiers de construction en arrêt naturellement il aurait préservé la SNLS et procédé à la liquidation de la SNI.
Selon vous le patrimoine de la SNLS a été distrait au profit du ministère de l’Habitat, et que les écritures comptables de la SNLS ont été manipulées. Pouvez-vous nous en dire plus.
Tout type de fusion entre deux sociétés requiert un audit. Et l’audit comptable revêt dans cette situation une dimension essentielle. Il était la seule garantie de bien informer les administrateurs sur la valeur réelle du passif et de l’actif de la SNLS et sans doute de son maintien aux affaires. En effet, les audits qui reposent sur les pratiques comptables rigoureuses sont commandées par le souci de répondre à la question de savoir combien de biens et des dettes sont au compte de la société? Les informations qui résultent des réponses à cette question devaient être au fondement du processus de la fusion crédible et ainsi orienter les Administrateurs des deux sociétés en fusion. A cet égard, les informations de cet audit pour les fins des fusions absorptions sortent du champ étroit de l’entreprise pour entrer dans celui des règles juridiques qui encadre les mécanismes légaux de détermination des valeurs nominales en vue de l’échange des actions ou de paiement des actions absorbées. D’autant, faute d’observation des fondements d’audits sérieux, l’évaluation financière et comptable a laissé place aux manipulations, voire de la falsification comme observées dans la mission d’évaluation du patrimoine de la SNLS par le Comité de suivi de la fusion absorption. Qu’il s’agisse de cas de surestimation des dettes ou, à l’opposé, de dissimulation ou diminution de l’actif, cette falsification comptable est acte pénal aussi bien pour la personne qui a commis ces actes que le mandataire social qui présente les résultats de cette fraude aux administrateurs ou actionnaires de de la société absorbante. Il faut saisir que la falsifiabilité est la capacité d’une proposition d’un énoncé, d’une théorie ou d’une hypothèse à se présenter dans les formes requises mais dont ses fondements se révèle faussés dans le but de faire apparaitre des informations qui sont contraires à la réalité des faits. De cette lecture découle le fait que le mot « falsification » peut se comprendre, en théorie comptable, dans le sens de fausser les écritures dans le but de frauder ou de cacher la réalité que l’on ne souhaite pas révéler. Le même principe de l’enregistrement des dettes fut mis en œuvre pour dévaluer la valeur du patrimoine de la SNLS. Durant le processus de fusion absorption, nous découvrions médusées de nombreuses attestations de réservation de parcelles des titres fonciers de la SNLS en circulation. Elles étaient signées par le Responsable du Ministère. En fait plusieurs hectares furent retirés du patrimoine de la SNLS et transférés comme propriété du Ministère de l’Habitat. A la suite de ce processus d’évaluation patrimoniale trompeur, le rapport fut remis au Commissaire aux comptes de la SNLS. Plus, grave, le Directeur Général de la SNLS n’a jamais eu accès à cet audit malgré les nombreuses demandes à cet effet. Les conclusions de l’évaluation acheminées directement à DELOITTE, Commissaire aux comptes de la SNLS, furent considérées dans le rapport de gestion sur commande de ceux qui chapeautaient la fusion absorption.
Pourquoi c’est maintenant que vous avez décidé de parler ?
Les auteurs de ces actes frauduleux bénéficiaient de réseaux de relation au Palais du bord de mer. Autrement, nous n’aurions été entendus. Vous avez été poursuivis par la SNI pour malversation financière. Que dites-vous pour votre défense ? Le Directeur Général de la SNI avait prétendu que nous avions fait un détournement de 129 Millions de francs CFA à la fin du processus de fusion après le 13 décembre 2019. Je vu plusieurs convoqué à la DGR. Nous avions démontré que la première semaine de décembre 2018, le Ministre de tutelle avait pris des mesures conservatoires parmi lesquelles le décaissement des sommes des compte bancaires de la SNLS devaient bénéficier de son autorisation écrite et la contre signature du PCA de la SNLS. Ces mesures avaient été notifiées aux banques, notaires, Conservation foncière et ANUTTC. Il était impossible, à cause de ses mesures conservatoires que je pus orchestrer un décaissement du fait de ma seule volonté. De plus, le compte bancaire en question avait un solde d’environ six millions en date du 30 avril 2018. L’activité de l’entreprise étant arrêtée, comment comprendre que j’ai pu retirer 129 MILLIONS d’un compte qui n’en comptait que quelque 6 Millions. Mon accusateur ignorait l’existence de restrictions de décaissements bancaires. Lui et les agents de la DGR commis à ces accusations étaient confus face à cette situation. Cette accusation et bien d’autres avaient pour seule finalité de me discréditer au regard de l’audit que j’avais commandée et montrait la falsification des données comptable de la SNI. On espérait m’envoyer en prison et me faire porte le blâme des actes frauduleux pour conduire l’absorption de la SNLS par la SNI. Dans mes actes de gestion j’ai toujours usé de prudence. La gestion du bien public convoque une telle prudence.
Qu’attendez-vous des autorités de la Transition ?
J’attends de l’Autorité de Transition qu’elle prenne en compte les difficultés vécues par les Gabonais en quête de logement décents. Face à l’échec des programmes de constructions publiques de logements initiés sous les différents gouvernements du Président Ali BONGO ONDIMBA, la relance de ces programmes dans la période de Transition et de Restauration des Institutions est également un impératif national. Cette urgence était déjà pointée du doigt en 1990. Les orateurs des débats de la Conférence nationale en avaient fait lors de ces assises l’une des principales recommandations. Cet impératif est toujours d’actualité, au même titre que les demandes de la démocratie, la bonne gouvernance et l’Etat de droit. 5 En effet les conférenciers du débat national de 1990 estimaient que parmi les priorités de leurs discussions, en plus des libertés politiques, la bonne gouvernance, le logement décent pour chaque famille gabonaise était non seulement une nécessité mais surtout un besoin essentiel. Il représente un droit fondamental reconnu à l’ONU dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1976). Il convenait d’en faire l’une des priorités des interventions sociales gouvernementales parmi celle de l’Education et la Santé publique. Le Gabon avait certes connu des succès notables dans les politiques du logement mises en œuvre entre 1976 et la fin des années 80. On retrouvait dans l’ensemble du pays des constructions de logements de la Société Nationale Immobilière. Mais au regard de l’aggravation remarquables des situations précarités dans l’habitation, ces constructions apparaissaient insignifiantes par rapport à l’évolution de la démographie. L’accroissement des populations, dans les centres urbains, occasionné par l’exode rural et l’immigration massive, rendaient les efforts consentis des pouvoirs publics dans ce domaine approximatifs. En réalité, entre 1985 et 2005 des nouveaux programmes de constructions publiques ont étoffé le parc des logements et amélioré quelque peu l’habitat. Ces constructions restaient une petite évolution face aux défis que l’Etat se devait de relever pour enrayer les phénomènes de « mapanes » galopants : le mal-logement dans les quartiers sousintégrés. L’insalubrité dans la quasi-totalité des quartiers convoquait l’Etat à faire progresser urgemment les conditions d’habitation et d’accès au logement. Dans sa sollicitation des suffrages des Gabonais en 2009, Monsieur Ali BONGO ONDIMBA, dans son programme électoral avait fait de la question du logement une priorité nationale : il proposait la construction publique de 35 000 logements en 7 ans de mandat présidentiel. Une fois parvenu aux commandes de l’Etat, il a vêtu sa gouvernance d’un ambitieux programme de constructions publiques de logements. Malgré les moyens closeaux mis en œuvre, environ 130 Milliards en 14 ans, le déficit en logement et les problèmes qu’il occasionne n’ont pas été résolues. On observe une accentuation de l’instabilité et les crises sociales multiformes liées aux questions de l’habitation précaires. La crise dans le secteur de l’habitat est la preuve de l’échec patent de la mauvaise gouvernance du précédent Président. Les voix qui s’expriment sur le bilan de la politique du logement depuis quinze ans sont à cet effet policées et civiles au regard des situations dramatiques vécues par les populations par rapport aux problèmes de l’habitat en général et du logement en particulier. Les difficultés rencontrées par les Gabonais pour accéder à un logement viable proviennent d’une offre insuffisante de logements sociaux, d’un manque de solvabilité des ménages et du développement de situations d’extrême précarité qui se traduisent par la multiplication des cas de mal-logement ou de non-logement. Assurément, l’offre de logements est nettement insuffisante par rapport à la demande, l’augmentation du nombre de ménages 20 000 par an ayant été plus importante que celle des nouvelles constructions. Aujourd’hui, compte tenu des retards accumulés depuis près de 20 ans, les besoins sont estimés à environ 400 000 logements en 2020, ce qui a justifié 6 la mise en œuvre d’un programme de construction de 5 000 logements par an sur 14 ans. Cette ambition était en dessous des attentes pour résoudre la crise du logement. Néanmoins avec un complément des constructions privées, la politique de l’autoconstruction qui aurait pu être stimulée par la mise en disponibilité des parcelles viabilisées, cette crise aurait été de moindre acuité si les ambitions proclamées par le Président Ali BONGO ONDIMBA étaient réalisés. Il n’en n’a rien été. Le faible taux de réussite sous ce président laisse entier la question de la crise du logement et des problèmes qui s’y rattachent. En réalité, les quelques constructions réalisées par le secteur public et privé ne répond pas à la demande des ménages à faibles revenus. Le coût de la vie augmentant sans cesse, l’effort réalisé des constructions de logements se concentre surtout sur les logements accessibles aux ménages disposant de revenus intermédiaires et supérieurs. Il ne répond pas à la demande des ménages à revenus faibles moyens et faibles. La progression relative du coût d’accès au logement explique que les personnes les moins nanties soient souvent contraintes de s’installer dans les zones où les loyers et le prix du foncier sont moins élevés. Ces zones ne rencontrent pas les conditions de viabilité et de sécurités requises. Il en résulte un mal-logement qui recouvre cinq réalités : l’absence de logement adéquat, les difficultés financièrement d’acquisition d’un logement viable, le défaut de confort des habitations accessibles, les difficultés d’accès à son logement, l’insalubrité et la carence de fourniture d’eaux et d’électricités. Tous ces problèmes du mal-logement peuvent trouver des solutions salvatrices dans la relance de réalisation des programmes de constructions publiques des logements.